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Marquis Armand Tuffin de La Rouërie dit Colonel Armand

Ce personnage connu en France et chez certains historiens des États-Unis sous le nom de colonel Armand est en réalité le marquis Armand Tuffin de La Rouërie. En 1777, ce jeune aristocrate breton, âgé de 26 ans, décide de partir rejoindre l'armée des Insurgents qui, dans les provinces de l'Est de l'Amérique, combattent pour se séparer de la tutelle de la couronne d'Angleterre. Il rejoint George Washington, fonde une « légion étrangère » qu'il paie de ses propres deniers et, pendant six ans, guerroie avec tant d'audace et de succès qu'il finira la guerre d'Indépendance comme brigadier général. Il est également décoré de l'ordre militaire de Cincinnatus et reçoit les félicitations du tout nouveau congrès des États-Unis. Rentré en France en 1783 avec quatre tulipiers, dont un est encore dans le parc du château, il devient délégué de la noblesse bretonne aux États généraux en 1788. Il termine cependant sa vie comme proscrit de la Révolution, poursuivi et pourchassé, à l'annonce

Colonel armand

de la mort de Louis XVI, jusqu'à Lamballe (Côtes-d'Armor), où il meurt d'épuisement physique avant d'être inhumé clandestinement comme fondateur de la future chouannerie en 1793.

Jeunesse

Armand-Charles Tuffin de La Rouërie, fils d'Anne Joseph Jacques Tuffin de La Rouërie et de Thérèse de La Belinaye, nait à Fougères, le . Il est l'aîné d'une famille de quatre enfants, Gervais, Charles-Louis et Renée mais cette dernière meurt en bas âge. Son père décède également assez jeune, à 29 ans, en 1754, alors qu'Armand est âgé de 3 ans.
Destiné comme noble à embrasser la carrière militaire dès son plus jeune âge, il a un maître d'armes, un maître d'équitation et également un maître de danse.
On lui apprend le latin, l'anglais et l'allemand.
Déjà il aime jouer avec les enfants des environs, monte des bandes, organise des coups; révélant son caractère bagarreur.
Hotel la belinaye
En 1766, sa famille lui achète un brevet d'enseigne au régiment des Gardes-Françaises. Âgé de 15 ans, il quitte le château de Saint-Ouen-la-Rouërie où il a passé toute son enfance pour Paris. Il prend son service àVersailles. Les Gardes-Françaises étant un corps d'élite et de parade, les loisirs prennent plus de temps que le service, au début la vie à Paris et Versailles lui plait, mais rapidement il est gagné par l'ennui.
Toutefois, une curieuse aventure va le rendre célèbre dans la société parisienne. Un jour, en novembre 1766, il se rend à l'Académie de musique pour y voir un opéra ballet. Ce jour-là, le premier rôle est tenu Mademoiselle Beaumesnil qui remplace Sophie Arnould. La Rouërie tombe tout simplement amoureux. À la suite d'une autre représentation, il force la loge de Mademoiselle Beaumesnil et lui déclare qu'il l'aime. La jeune femme reste sur sa réserve car elle est entretenue par un galant qui lui fournit une rente. Cet homme, M. de La Belinaye, est en fait le propre oncle d'Armand de La Rouërie. La jeune Beaumesnil se garde bien d'en souffler mot à Armand, elle l'éconduit poliment, lui déclarant seulement qu'elle n’est pas libre.
La rouerie maison natale inscription
La Rouërie repart déçu mais n'abandonne pas. Il monnaye l'aide de deux ouvriers et avec l'aide d'une échelle parvient pénétrer chez Mademoiselle Beaumesnil, dont il a pu se procurer l'adresse. Celle-ci, alors seule au logis, repousse de nouveau les avances du marquis qui va jusqu'à lui demander sa main. Toutefois lorsque La Belinaye arrive, peu après le départ de La Rouërie, il découvre l'échelle restée posée sous la fenêtre, et, furieux, rompt sa liaison avec Mademoiselle Beaumesnil.
Par la suite, le bruit court à l'époque que La Rouërie est allé se retirer à la Trappe, qu’il s’y est fait moine et qu'un jour, son oncle s'étant perdu lors d'une chasse, croise par hasard son neveu et le reconnait. La Rouërie, ignorant toujours les rapports entre son oncle et Mlle Beaumesnil, lui raconte son aventure, ce qui par la suite entraîne la réconciliation des trois personnages. Ces rumeurs étaient certainement fantaisistes mais depuis, toute la noblesse de Paris connait La Rouërie sous le surnom d'« évadé de la Trappe ». L'histoire fait partie des ragots à la cour de Versailles.
Cependant, réconcilié avec son oncle, La Rouërie finit par devenir l'amant de Mlle Beaumesnil avec qui il a un fils qui est probablement envoyé au château de La Rouërie et confié au soin de sa grand-mère.
Cette vie frivole dure quelques années mais finit toutefois par prendre fin. Endetté, La Rouërie devient querelleur. Au cours d'un duel, dû à une dispute portant sur la cuisson d'un poulet, il blesse grièvement le comte de Bourbon Busset au point qu'on craint pour sa vie. Cet événement provoque la colère du Roi Louis XVI, dont Bourbon Busset est un ami d'enfance. Les duels étant interdits, le Roi menace de faire pendre le marquis. La Rouërie démissionne des Gardes-Françaises et s'exile à Genève. Cet exil ne dure pas, le Roi consent à ce que La Rouërie puisse revenir en France à condition qu'il se retire sur ses terres.

La Révolution Américaine

De retour à Saint-Ouen-la-Rouërie, après dix ans de service, La Rouërie est peu fier et peut nourrir des regrets. Sa carrière militaire est désormais brisée alors que sa vocation est celle d'un militaire. Désœuvré, il se retire dans son château.
C’est pendant cette période que les nouvelles de la Révolution américaine finissent par gagner la Bretagne. La Rouërie a été initié à la franc-maçonnerie, à la loge du Régiment Royal-Roussillon Cavalerie; la Parfaite Union et fréquente également la loge maçonnique de Fougères, l'Aimable Concorde en tant que maître écossais. Les francs-maçons fougerais, en correspondance avec leurs homologues américains, reçoivent fréquemment des nouvelles des Treize colonies, c’est grâce à ces démarches que La Rouërie se tient informé des événements. Le désir de revanche sur les Anglais à la suite de la guerre de Sept Ans, le goût de l'aventure, le désir de faire oublier son passé, l'occasion de relancer sa carrière militaire à l'étranger auprès d'une cause qu'il juge juste, sont les principaux motifs qui poussent La Rouërie à s'embarquer pour l'Amérique.
Après une première tentative avortée qui consistait à partir sur un navire français, l'Amphitrite, depuis Le Havre, La Rouërie réussit à s'embarquer, avec un de ses domestiques nommé Lefebvre sur le Morris un navire américain qui appareille à Nantes dans les premiers mois de l'année 1777.

Arrivée en Amérique

Le , le Morris arrive en vue des côtes américaines dans la baie du Delaware, il apporte une cargaison d'armes et de munitions pour les Insurgents ainsi qu'un courrier de Benjamin Franklin pour le Congrès des États-Unis. Mais peu de temps après, le navire est surpris par trois vaisseaux britanniques. Les Américains tentent de prendre la fuite mais les tirs anglais endommagent fortement le Morris qui s'échoue. Une chaloupe est mise à la mer, La Rouërie y prend place avec son domestique après que le capitaine lui a remis les dépêches. Refusant de laisser la cargaison aux Anglais, le capitaine Anderson fait sauter son navire. La chaloupe est renversée par une vague provoquée par un boulet et tous ses occupants doivent gagner la rive à la nage.
1777 delaware 04

Après quelques jours de marche, La Rouërie et Lefebvre arrivent à Philadelphie et obtiennent une audience auprès du Congrès afin de proposer leurs services dans l'armée continentale. Le marquis a été recommandé au Congrès par Robert Morris. Lors de l'audience, La Rouërie affirme qu'il est prêt à refuser de toucher une solde, désirant seulement mettre son épée au service de la cause. Il déclare également que ne voulant être connu ni sous son titre de marquis, ni sous nom de famille, il ne souhaite garder que son nom de baptême, c'est pourquoi il devait s'engager sous le nom de Charles Armand et être connu par la suite par le surnom de Colonel Armand. Cet esprit de panache et de dévouement plait au Congrès qui remet à Armand, le 10 mai, un brevet de colonel. Le Congrès va jusqu'à accorder le même grade à Lefebvre mais ce dernier décline.

La Guerre d'Indépendance Américaine

Le Colonel Armand

Toutefois pour que la nomination du Congrès soit acceptée, il faut l'accord du général en chef George Washington. Avant de le rencontrer, La Rouërie lui écrit un premier courrier.
La Rouërie arrive à Morristown, dans le New Jersey, où l'armée, alors forte de 9 000 hommes, tient ses quartiers. La Rouërie est fortement impressionné par le général Washington qui gagne rapidement son admiration. Washington a également une bonne opinion du jeune colonel, il écrit ainsi à Robert Morris :
« Il m'apparaît comme un jeune homme sensé, modeste. Je me flatte que sa conduite sera telle que nous n'aurons pas de raison de nous repentir des bonnes manières qui pourront lui être témoignées. »
Confirmé dans son grade de colonel, La Rouërie ne peut toutefois intégrer l'armée continentale, car à ce moment aucun poste n'est vacant, à la place il est autorisé à lever un corps de partisans et de miliciens. Il y a cependant peu de Français dans l'armée américaine à cette période et La Rouërie doit passer sous les ordres du major Nicholas Dietrich Ottendorf, commandant d'un corps franc d'infanterie, composé essentiellement de Pennsylvaniens germanophones. Rapidement, La Rouërie entre en conflit avec Ottendorf, lui reprochant ses mœurs de pillard. Washington lui donne raison, il destitue Ottendorf et La Rouërie prend la tête du corps franc.
 
Première Campagne
La cause des patriots est toutefois très mal engagée. Les soldats américains ont passé un hiver rigoureux et de nombreuses désertions ont été signalées. Finalement, Washington se décide à faire mouvement et se porte à la rencontre des troupes britanniques commandées par William Howe. Les deux armées se rencontrent à Scotch Plains, dans le New Jersey. La bataille de Short Hills est le baptême du feu de La Rouërie qui est placé avec ses troupes à la pointe de l'attaque. La bataille se termine toutefois par une défaite pour les Américains face aux Britanniques mieux entraînés et deux fois plus nombreux. Le corps d’Armand est décimé : 30 hommes sur 80 sont tués. Malgré tout, il parvient dans la déroute à sauver un canon, arme rare et précieuse pour les Américains. À la suite de cette bataille, le Colonel Armand gagne l'estime de ses compagnons d'armes et Washington le félicite pour son courage.
La Rouërie s'attache dès lors à réorganiser ses troupes qui ont été durement éprouvées. Il doit payer de sa poche pour rééquiper ses hommes. Il demande à recruter des volontaires parmi les déserteurs et les prisonniers britanniques. Le corps d'Armand, composé de fantassins et de dragons prend officiellement le nom de 1er bataillon de la légion de partisans. Malgré tout, ce corps a des difficultés à se procurer des chevaux. La Rouërie est persuadé que les armées américaines ont besoin d'une cavalerie puissante, mais sur ce point, ses vues divergent de celles de Washington qui estime qu'elle n’est pas indispensable.
La Rouërie participe ensuite à quelques escarmouches. Les insurgents progressent vers le nord et l'issue de la campagne semble bien se présenter. Le 24 août, l'armée défile à Philadelphie. Mais les Anglais contre-attaquent, et le 11 septembre se livre la bataille de Brandywine. Dans son rapport La Rouërie écrit :
« Nous avons eu plusieurs escarmouches dans la matinée avec l'ennemi, et, pour suivre les ordres, avons défendu aussi longtemps que notre petit nombre nous le permit le passage de la rivière, sur quoi nous avons assuré la protection de la batterie de l'aile droite, jusqu'à ce que nous soyons submergés par l'ennemi qui attaquait sur ce point. »
La défaite des patriots livre Philadelphie aux Britanniques. Washington tente de contre-attaquer, le 4 octobre il livre la bataille de Germantown à laquelle La Rouërie participe également, mais une fois encore, la bataille se solde par une défaite pour les Insurgents. Les troupes américaines, dont le moral est au plus bas, doivent battre en retraite sur Valley Forge pour passer l'hiver.

 

L'Hiver à Valley Forge

Au nord, les belligérants restent plusieurs semaines sans combattre. Les conditions de vie des soldats américains sont très pénibles et certains meurent de faim ou de froid. Les Patriots reprennent toutefois quelques espoirs lorsqu'ils apprennent la victoire du général Horatio Gates à la bataille de Saratoga. Cette dernière devait convaincre Louis XVI à envoyer des troupes. Mais à ce moment à Valley Forge, malgré quelques escarmouches, c’est l'inaction qui domine. Le 22 octobre, La Rouërie participe toutefois à la petite bataille de Red Bank.
The march to valley forge william trego

Le 25 novembre, La Rouërie prend part à la petite Bataille de Gloucester au côté de La Fayette, alors major-général, et chef de l'expédition. Les Américains attaquent un avant-poste de 350 Hessiens qu'ils mettent en déroute, les mercenaires allemands se replient jusqu'au camp principal anglais. La Rouërie a son cheval tué sous lui, les Hessiens perdent 60 hommes morts ou capturés, seul un milicien est tué. La Rouërie et La Fayette sont alors les deux seuls officiers français de haut rang dans l'armée américaine, La Fayette était arrivé en Amérique en juillet, peu de temps après La Rouërie, rapidement ils éprouvent de l'amitié et une estime mutuelle. La Fayette écrit à Fishkill, le  :

« Je certifie que le colonel Armand, marquis de La Rouerie, était avec moi à l'affaire du 25 novembre 1777 dans le New Jersey, lorsqu'un corps de Hessois soutenu par quelques piquets des Anglais, sous le commandement du lieutenant général lord Cornwallis, furent défaits par un parti moins nombreux de rifleman et de milices. Je reconnais avec plaisir et gratitude les obligations que je dois au colonel Armand pour le zèle et la valeur qu'il a montrés dans cette occasion où il se trouvait le plus ancien officier après moi. Ma mission n'avait d'autre objet qu'une reconnaissance des dispositions de l'ennemi et je n'avais avec moi ni brigadier ni colonel continental, excepté le marquis de La Rouerie qui m'avait suivi. »

Marquis de lafayette 4
Les 5 et 8 décembre voient se dérouler la bataille de White Marsh. La Rouërie, qui y combat sous les ordres du général Casimir Pulaski, écrit :
« L'ennemi fit une tentative de débordement sur notre gauche. J'entamais l'action avec quelques cavaliers, quand le comte Pulawski survint et prit le commandement. »
Les 9 500 hommes de Washington remportent la victoire sur les 14 000 hommes de William Howe et Charles Cornwallis. La succession des combats a toutefois décimé de nouveau la troupe d'Armand surtout chez les hommes à pied et La Rouërie passe l'hiver à Valley Forge à essayer de reconstituer sa troupe. À la suite de sa demande, il a l'autorisation de recruter des hommes parmi les déserteurs capturés. Il doit toutefois demander encore au Congrès de l'argent pour sa troupe. Mais un autre problème apparait : certains des soldats du colonel Armand sont arrêtés et accusés de vol et de pillage. Affecté, La Rouërie prend sur lui de payer les dédommagements et s'attache à renforcer la discipline. Mais pour La Rouërie ce ne sont pas les seuls ennuis. Les notes du général Friedrich Wilhelm von Steuben, datée du  en témoignent :
« Il y a un marquis de La Rouerie, des Gardes-Françaises, ici colonel, qui n'a pas l'air très heureux et ne restera pas longtemps. »
Cette période est marquée pour La Rouërie par un conflit qui l'oppose à un de ses officiers supérieurs, le général Stirling et un autre officier, le général Thomas Conway. La Rouërie s'en plaint dans une lettre adressée à Washington :
« Quelque brave homme qu'il soit, quelque téméraire qu'il se montre à vos yeux, il m'est impossible de gagner l'estime de Votre Excellence sous les ordres de lord Stirling. Non seulement, il n'a aucune gratitude pour la manière dont on combat pour sa gloire et le succès de vos armes, mais au contraire, il s'attache à abaisser ce qu'un homme a fait de bien et le mal qu'il a souffert. »
Il se plaint aussi des disputes entre les officiers de son corps et ceux du général Thomas Conway. D’ailleurs il accuse ce dernier d'avoir menacé de faire marcher un de ses régiments contre ses hommes, baïonnette au canon.

La légion Armand

Au printemps 1778, La Rouërie obtient l'autorisation du Congrès de créer une légion de « Chasseurs libres et indépendants » forte de 452 hommes et 14 officiers, placée sous ses ordres et prise en charge financièrement par le Congrès. Dès le mois de mars, il recrute des volontaires parmi des prisonniers de guerre. Friedrich Adolf Riedesel, général du duché de Brunswick-Lunebourg allié de la Grande-Bretagne, écrit dans ses mémoires :
« Cet aventurier français, nommé Armand, qui parlait assez l'allemand pour se faire comprendre. Loquace et frivole comme on l'était dans sa nation, il n'eut pas de mal à convaincre les candides et crédules Allemands du bonheur qu'ils éprouveraient à être volontaires sous ses ordres. »
Le corps d'Armand est composé de dragons à cheval et de fantassins légers, ceux-ci montaient en croupe des cavaliers lorsque la légion se déplaçait sur de longues distances. Malgré ses efforts pour recruter des volontaires, La Rouërie ne peut porter à ce moment qu'à 300 hommes le nombre de soldats de sa légion.
Parmi les officiers qui servent dans la légion Armand se trouvent : le lieutenant-colonel de Ternant, le major George Schaffner, le major de Laumagne, le chevalier Jean-Baptiste Georges de Fontevieux, Charles Merckle, le capitaine Claudius de Bert de Majan, le capitaine John Sharp, le capitaine Le Brun de Bellecour, le capitaine Mercley, le capitaine Bedkin, le chevalier de Vaudoré, le lieutenant Ducos, le lieutenant Sibert, et le lieutenant Segner.

La campagne de New York

Au mois d', La Rouërie reçoit l'ordre de Washington de quitter Valley Forge pour se porter sur New York, afin de se mettre sous les ordres du général Charles Scott. L'armée anglaise se trouve alors sur l'île de Manhattan et occupe New York. Quant aux troupes américaines, elles se trouvent à l'ouest de la ville. Les deux armées n'engagent pas d'actions d'envergure mais le no man's land qui sépare les deux camps, ici appeléNeutral Ground, était le théâtre de nombreux raids et coups de main, où les habitants étaient à la merci des bandes armées. C'était toutefois le type de guerre que La Rouërie affectionnait.
 
Battleoflongisland
En , Charles Scott est remplacé par le général Robert Howe. Il établit son quartier général à Ridgefield (Connecticut). Howe reçoit l'ordre de Washington de protéger autant que possible les habitants. La Rouërie est chargé de capturer le colonel John Graves Simcoe, commandant d'une troupe, les Queen's Rangers qui s'était signalée par de nombreux ravages. Après une longue chevauchée la légion Armand s’empare de Simcoe sur le fleuve Raritan, près de South Amboy, dans le New Jersey, au moment où celui-ci s'apprêtait à couler des navires américains.
Le , le général Scott écrit :
« Je certifie que le colonel Armand a servi, avec son corps, pendant plusieurs mois, et s'est conduit dans toutes les occasions comme un officier brave et prudent. Il ne m'a été porté aucune plainte de la part des habitants contre aucun homme de sa troupe pour quelque sujet que ce soit. »

Le raid de Westchester

Mais l'action la plus notable de La Rouërie lors de la campagne est ce qui fut appelé le raid de Westchester. La Rouërie se trouve avec sa légion à Tarrytown lorsqu'il apprend d'un informateur que Baremore est au repos dans une maison située à Morrisania à cinquante kilomètres de sa position. Le major Baremore était le chef d'un corps de partisans loyalistes, il avait acquis une réputation de brigand et était particulièrement craint par la population. Armand décide donc de le mettre hors d'état de nuire, et entame une longue chevauchée avec ses dragons. Le lendemain du départ, peu avant l'aurore, la légion Armand traverse les lignes britanniques. La Rouërie laisse le gros de sa troupe sur un pont afin d'assurer sa retraite, car un camp de 800 Hessiens se trouvait à trois kilomètres de ce pont. Puis, il parcourt 8 kilomètres en territoire anglais accompagné de seulement 22 dragons. Ils repèrent la maison de Baremore et la cernent. Pénétrant en trombe et sans coups de feu, ils surprennent Baremore en plein sommeil ainsi que cinq de ses hommes. La Rouërie et ses dragons font ensuite tout le chemin retour avec leurs prisonniers sans être accrochés par les troupes britanniques. De retour au camp Scott, ils sont accueillis triomphalement par les soldats américains.
L'affaire est rapportée à Washington, le général William Heath lui écrit :
« Le 7 novembre 1779, de nuit, le colonel Armand est allé avec son corps de Tarrytown jusqu'aux environs de Morrisania, avec pour objectif la maison d'Alderman Leggett, où il surprit et captura le major Baremore et fit cinq autres prisonniers. Le secret, la précaution, la bravoure et la discipline montrés par le colonel et son corps à cette occasion leur font le plus grand honneur. Grâce à la capture du major Baremore, les habitants de la campagne environnante ont été débarrassés des fréquentes incursions d'un dangereux officier. »
Pour récompenser ses hommes de leur action et de leur discipline, ceux-ci n'ayant pas pillé la maison dans laquelle se trouvait Baremore, La Rouërie leur distribue 400 dollars.
Le 2 décembre, il récidive, au cours d'un nouveau raid à Morrisania, il capture le capitaine Cruzer, un lieutenant de Baremore et deux autres soldats.

La campagne du sud

Toutefois La Rouërie se doute que les actions de guérilla à New York ne sont pas les meilleurs moyens d’obtenir de l'avancement. Depuis longtemps Armand souhaitait se voir accorder le grade de général, il en avait fait la demande à Washington à plusieurs reprises.
« Si je devais rester dans l'armée ici, je me verrais obligé d'abandonner mes prétentions au rang de brigadier général, car je mesure qu'elles ne viendraient pas à propos et qu'elles seraient peut-être injurieuses pour des officiers dont les services équivalent aux miens ou les surpassent, en exploits ou en ancienneté. Je me soumettrais volontiers au principe qu'une juste discipline et le respect de l'ancienneté des autres me prescrivent en cette matière. »
Aussi La Rouërie fait savoir à Washington qu'il accepterait volontiers de servir sur un autre front :
« Je consentirais si Votre Excellence m'en laissait le choix, à être incorporé dans l'armée du Sud, où il y a moins de généraux et de seniors colonels qu'ici ; et où aussi la mort du comte Pulaski me laisse plus qualifié que d'autres à prendre une place vacante, en considération du nombre d'Allemands et de Français là-bas, officiers comme soldats. »
Ces demandes sont prises en compte. Les troupes américaines de l'armée du Sud ont subi plusieurs défaites et sont particulièrement en manque de cavalerie. Washington décide donc de renforcer l'armée du Sud avec les régiments du Delaware et du Maryland, ainsi qu'avec la légion Armand.
Le général Casimir Pulaski a été tué le  au siège de Savannah. Le Congrès décide donc, le , d'incorporer ce qui reste de la légion Pulaski à la légion Armand. Au mois de , La Rouërie prend la route du sud, avant de rejoindre l'armée il fait étape à Wilmington, en Caroline du Nord, où se trouvent les soldats de Pulaski chargés de renforcer sa légion.

La bataille de Camden

Le , l'armée du sud, alors en très mauvais état, réunie par le général Johann de Kalb en Caroline du Nord en vue de la prochaine offensive, passe sous les ordres du généralGates. Forte de 3 700 hommes, elle se met en marche vers le sud, mais elle souffre de problèmes de ravitaillements et de la faim. Quant à La Rouërie, il a une dispute avec le général Gates, n’ayant pas apprécié que ce dernier ait utilisé les chevaux de ses dragons pour déplacer les pièces d'artillerie26. L'armée britannique se trouvait à Camden en Caroline du Sud, elle était sous les ordres du général Charles Cornwallis.
Le 15 août, les Américains sont en vue de Camden. Gates convoque son état-major pour faire part à ses officiers du plan de bataille. L'offensive est prévue pour la nuit. Les dragons de La Rouërie sont placés en première ligne, flanqués de deux colonnes d'infanterie. Les ordres de Gates sont les suivants :
« En cas d'attaque frontale de la cavalerie ennemie, l'infanterie de chaque flanc montera instantanément en ligne, ouvrira le feu et maintiendra le plus vif tir de harcèlement contre les cavaliers ennemis ; ceci permettra au colonel Armand non seulement de résister à la charge ennemie, mais de la mettre en déroute. Le colonel appliquera par conséquent à la lettre ces ordres de contenir l'attaque de l'ennemi, quel que soit le nombre. »
Ce plan est cependant loin de faire l'unanimité auprès des officiers, plus tard le colonel Otho Holland Williams racontait :
« Même ceux qui n'avaient pas ouvert la bouche pendant le conseil de guerre se plaignirent de ne pas avoir été consultés ; qu'on s'était contenté de lire les ordres ; que toute opinion semblait refusée d'avance par la manière positive et indiscutable dont ils étaient exprimés. D'autres étaient abasourdis qu'on put concevoir qu'une armée, composée au deux tiers de milices n'ayant jamais été entraînées ensemble, put se former en colonnes et manœuvrer en pleine nuit devant l'ennemi. Mais, de tous les officiers, c'est le colonel Armand qui protesta le plus vigoureusement. Il semblait penser que les ordres positifs le concernant mettaient en doute son courage, que la cavalerie n'avait jamais été placée en première ligne de bataille dans l'obscurité complète, et que ce dispositif provenait d'une rancune personnelle du général. »
Battle of camden
Mais le plan reste inchangé et à 22 heures, les colonnes se mettent en mouvement. D’après le rapport du colonel milicien Thomas Sumter envoyé en mai à Gates, les forces de Cornwallis sont dispersées et seulement 700 hommes se trouvent à Camden. Les colonnes progressent sur une route bordée de pins, La Rouërie est au centre avec la cavalerie, l'infanterie est sous les ordres du colonel Porterfield et du major Armstrong, respectivement postés sur les flancs gauche et droit. Mais à deux heures du matin, les troupes américaines tombent nez à nez avec les dragons anglais commandés par le colonel Banastre Tarleton, que les Américains surnommaient Le Boucher. La bataille s'engage, elle est d'abord à l'avantage des Insurgents, mais les dragons anglais, bientôt soutenus par les fusiliers renversent le cours du combat et forcent les Américains à battre en retraite.
L'attaque surprise de nuit a échoué. De plus, le rapport était erroné, Cornwallis n'a pas 700 hommes à Camden, mais 2 200. Cependant la supériorité numérique reste à l'avantage des Américains, aussi le lendemain Gates choisit de lancer une nouvelle attaque. Cette fois-ci La Rouërie est placé en réserve avec ses hommes. Les fantassins américains avancent en ligne, mais s'ils ont l'avantage du nombre la plupart sont des miliciens et les privations les ont affaiblis, les troupes britanniques en revanche sont bien ravitaillées et constituées de soldats de métier. Aussi à la vue des fusiliers anglais chargeant à la baïonnette, les Américains paniquent et prennent la fuite. Les dragons de Tarleton entrent de nouveau en action et mettent les fuyards en déroute. La Rouërie contre-attaque alors avec ce qu'il reste de ses propres dragons, cela force la cavalerie anglaise à se regrouper et à permettre à davantage de fuyards de s'échapper. Tarleton écrit lui-même dans son rapport que les troupes d'Armand « avec une belle contenance bloquaient la route pour rallier les fugitifs ».
Cependant la bataille de Camden est un véritable désastre pour les Insurgents, le général Gates lui-même prend la fuite lors de la bataille et galope sur plusieurs miles, certains récits l'accuseront d’avoir paniqué. Du côté américain les pertes sont extrêmement lourdes : 250 hommes tués, contre 64 pour les Anglais, plus les blessés, les prisonniers, les déserteurs ou les soldats égarés. À Hillsborough, en Caroline du Nord, où l'armée se regroupe seuls 700 hommes sur les 3 700 du départ sont présents. Le général Johann de Kalb a été tué au cours de la bataille. Quant à la légion Armand, elle est également décimée. Parmi les pertes, les officiers Bert de Majan, Vaudoré et Lefebvre, le domestique de La Rouërie, ont tous les trois été faits prisonniers, ils ne seront libérés qu'à la fin de la guerre.

Difficultés de la légion

Après la bataille de Camden, on crut un moment que La Rouërie, lui-même avait été tué lors de la bataille. Cette rumeur lancée par le général Gates, persuadé à tort que le colonel Armand était mort dans la déroute, gagne même la France où la mère de La Rouërie écrit à Benjamin Franklin lui suppliant de lui donner des nouvelles de son fils.
Une autre rumeur, plus grave encore, affaiblit un temps la réputation du colonel Armand. Lancée par quelques officiers, peut-être à la recherche de boucs émissaires, elle est répercutée par les déclarations du colonel Henry Lee qui accuse la légion Armand de s'être enfuie au combat provoquant le désordre dans les rangs. Et bien que d'autres témoignages, tels ceux des officiers Stutesman, Ward et Williams, démentent cette version, la rumeur dure un temps. Face à ses détracteurs, La Rouërie se contente d'écrire à Washington le  :
« Monsieur, dans l'affaire de Camden où nous perdîmes toute notre intendance, l'ennemi s'est emparé de ce qui pour moi était le plus important de ma fortune : les lettres et les certificats que Votre Excellence a bien voulu me donner pour récompenser mes services et ma conduite. Puis-je espérer que la bienveillance de Votre Excellence l'inclinera à réparer cette perte par un nouveau témoignage de son estime. Je souhaite plus que jamais avoir l'occasion de la mériter. »
Rapidement Washington met fin à ces intrigues en confirmant qu'il garde toute confiance en La Rouërie. Confiant aussi bien dans les capacités du colonel Armand que dans celle de Henry Lee, il tient à mettre fin à toute discorde entre les deux officiers. Dans une lettre au Congrès le 11 octobre, Washington écrit à leur propos :
« Quant aux deux officiers que j'ai recommandés ils ont les meilleurs titres à l'attention du public. Le colonel Armand est un officier de grand mérite, ce qui, ajouté à sa qualité d'étranger, à son rang dans la vie, et aux sacrifices financiers qu'il a consentis, fait un point d'honneur et de justice de continuer à lui accorder les moyens de servir honorablement. »
Malgré tout, La Rouërie n’est pas au bout de ses problèmes. La légion Armand est en très mauvais état et complètement désorganisée. Le général Nathanael Greene, remplaçant du général Gates à la tête de l'armée du Sud, écrit que les troupes de la légion sont « dépourvues du minimum nécessaire à leur commodité et à leur confort. On peut dire qu'elles sont littéralement nues33. » Début octobre, la légion part camper dans le Comté de Warren. Pour réorganiser sa troupe La Rouërie se rend à Philadelphie, qui depuis était repassée aux mains des Insurgents, afin de s'adresser au Congrès et à Washington. Il laisse le commandement de sa légion au Vicomte de Laumagne. Mais l'affaire traîne, car peu de temps après son arrivée à Philadelphie, La Rouërie tombe assez gravement malade ce qui l'empêche de présenter ses demandes au Congrès. Après sa guérison au bout d'un mois, il peut adresser une pétition au Congrès. Celui-ci autorise le bureau de la Guerre à approuver la fourniture complète et régulière d'uniformes, d'armes et d'équipement pour les soldats de légion, mais cette décision devait se révéler sans suite, les États-Unis manquaient d'argent.
En cette fin d'année 1780, la cause des Patriots traverse sa plus mauvaise période, l'historien Thomas Fleming écrit :
« Jamais, même au plus profond de l'hiver noir de 1776, où l'enfantement douloureux de l'année suivante à Valley Forge, l'esprit révolutionnaire de l'Amérique n'était tombé aussi bas. Le peuple était las de la guerre. Le congrès continental était en faillite. Pendant un an et demi, les troupes anglaises avaient ravagé le Sud, soumettant si complètement la Géorgie qu'elle avait à nouveau un gouverneur royal, et détruisant deux armées américaines et leurs douze mille hommes. »
Le temps presse, La Rouërie écrit à propos de sa légion que :
« … le désordre y règne. La plupart des officiers pensent plutôt à quitter le service qu'à poursuivre dans le Sud. Les hommes désertent. Si la légion reste où elle est, je ne retrouverai pas un soldat et peut-être un officier à mon retour. »
La Rouërie ne peut plus subvenir seul aux besoins de sa légion, aussi, le , il écrit à Washington :
« Je ne vois pas comment je pourrais correctement mettre ce corps sur pied. […] Le Bureau de la guerre me dit qu'ils n'ont ni vêtements, ni armes, ni chevaux et qu'ils n'envisagent pas de trouver l'argent pour les acheter. […] J'ai l'intention de m'embarquer pour la France, et d'en rapporter les équipements et les vêtements qui sont nécessaires à la légion. Je me propose d'en avancer la somme. […] J'aurais pu mettre un terme à tous mes ennuis en démissionnant tout de suite, mais étant résolu à rester sous vos ordres, et simultanément à être à même de voir augmenter chez vous l'estime que Votre Excellence a eu la bienveillance de m'assurer… je propose de partir pour la France avec le colonel Laurens. »
Le lieutenant-colonel de Ternant est placé à la tête de la légion le temps de l'absence du colonel. La Rouërie s'embarque pour la France lors du mois de février 1781, il fait le voyage avec le colonel John Laurens chargé de négocier une aide financière auprès du roiLouis XVI.

Voyage en France

À la suite d'un voyage sans imprévus, le marquis de La Rouërie arrive à Versailles en avril 1781. Souhaitant faire oublier aux yeux du Roi et de la Cour son passé orageux dans les Gardes-Françaises, il avait demandé et obtenu de Washington un certificat de ses états de services.
Ce certificat se révèle d'une grande utilité à La Rouërie, ses services en Amérique sont comptés comme s'ils avaient été au service de la France bien qu'il ne restait que sous-lieutenant dans l'armée française, mais surtout le roi le fait chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis.
La Rouërie propose au ministère de la Guerre la formation d'une légion française au sein de l'armée américaine dont il aurait le commandement. Le titre du mémoire s’intitule Moyen dont il serait possible de former un corps des Français qui sont ici et qui perdus pour la France s'ils n'en sont pas tirés d'une manière qui les rassemble tous. Il propose de rassembler les Français servant dans des régiments américains, ainsi que les déserteurs de l'armée royale qui auraient obligation de s'y enrôler sous peine d'être renvoyés à leur régiment d'origine. La Rouërie prévoit également que 200 dragons et fantassins américains soient, avec l'accord du Congrès, intégrés à cette légion. Il demande également pour adjoint le chevalier de Gimat, ancien aide de camp de La Fayette.
Au sein du ministère, ce projet a ses partisans et ses opposants. Il reçoit le soutien du maréchal de France Louis Antoine de Gontaut-Biron. Celui-ci écrit en sa faveur au ministre de la guerre, le prince Alexandre de Saint-Mauris de Montbarrey.
Cependant le ministère de la Guerre donne une réponse négative à la demande du marquis de La Rouërie.
Mais le but principal de La Rouërie est de se procurer l'équipement nécessaire pour réarmer sa légion. Pour cela, il doit s'endetter et mettre ses terres en gage.
« Je songeai plus à remplir ma mission qu'à l'intérêt de mon ambition. Craignant que le gouvernement ne se décidât pas ou mît beaucoup de lenteur à se décider à fournir les objets que j'étais venu chercher, j'empruntai en mon nom cinquante mille francs à cinq pour cent d'intérêt. »
La Rouërie fait ainsi l'acquisition de 100 selles en cuir, 150 sabres de hussards, 160 paires de pistolets, 975 chemises, 160 couvertures, 150 paires de bottes avec éperons, 320 casques de cuivre, dont la moitié avec plumets, 4 trompettes et 4 shakos, et pour 300guinées de commodités diverses.
Après un passage à Fougères et à Saint-Ouen-la-Rouërie où il rend visite à sa famille, La Rouërie s'embarque avec sa cargaison à Brest, vers la fin du mois de , à bord d'un des deux navires français qui forment un convoi d'armes pour les Américains, escortés par La Magicienne, une frégate de la marine royale. Pendant le voyage, un des navires de transport démâte lors d'une tempête et doit aller se faire réparer en Espagne. L'autre navire, transportant La Rouërie et sa cargaison arrive à Boston le 15 août. La Rouërie regagne ainsi l'Amérique après six mois d'absence.

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